Le CDI intérimaire : premier bilan

LE CDI intérimaire a été introduit par les pouvoirs publics afin de permettre une intégration durable dans l’emploi des travailleurs temporaires. Il constitue un outil efficace pour la sécurisation professionnelle permettant aux salariés de mener à bien des projets personnels, comme l’accessibilité au logement par exemple. Entré en vigueur en 2014, il peut d’ores et déjà être qualifié de véritable succès. Son expérimentation, issue de l’Accord National Interprofessionnel de 2013 sur la sécurisation des parcours professionnels, s’est terminée fin 2018. Celle-ci témoigne d’une innovation gagnante en termes d’emploi durable via les 43 000 CDI intérimaires conclus. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a pérennisé les dispositions expérimentales de la loi Rebsamen introduisant les principes du CDI intérimaire, puisqu’elles ont été intégrées dans le Code du travail. Mais quel bilan peut-on réellement tirer de ces premières années de mise en application ? Décryptage de l’étude réalisée par le Cabinet Amnyos, commandée par l’Observatoire de l’Intérim et du Recrutement.

Les premiers constats du CDI intérimaire

Le profil des bénéficiaires

Les accédants au CDI intérimaire sont plutôt jeunes, polyvalents et souhaitent se former. Ils sont essentiellement concentrés dans la tranche d’âge 30-50 ans. En ce qui concerne les secteurs d’activité, on relève une surreprésentation de l’industrie, et une sous-représentation du BTP et des transports. Enfin, on constate que les signataires d’un CDII possèdent en moyenne des niveaux de formation et de qualification un peu plus élevés que l’ensemble des intérimaires.

Les critères de sélection qui priment

De nombreux critères entrent en jeu dans le choix des agences d’emploi pour leur ciblage des intérimaires éligibles au CDII. On relève d’une part l’importance d’une forte employabilité, qui combine compétences, qualifications et motivation. D’autre part, entre en jeu la nature des besoins identifiés sur le marché du travail, déterminée par le nombre d’entreprises utilisatrices, le volume et la durée des missions potentielles, ainsi que le nombre d’emplois possibles. Une attention toute particulière est également portée à la durée des missions dans les entreprises utilisatrices, ainsi qu’à la définition des 3 emplois mentionnés dans le CDII. Enfin, la confiance qu’accorde l’agence à l’intérimaire demeure primordiale, basée sur l’ancienneté de la relation, les savoir-être de l’intérimaire, et sa fiabilité. Cependant, ces différentes normes de ciblage commencent à évoluer à mesure que l’expérience du CDII grandit.

Un contrat essentiellement à l’initiative des agences d’emploi

Dans les faits, le CDII reste largement à l’initiative des agences d’emploi. En effet, les deux tiers des initiatives viennent des entreprises de travail temporaire, tandis qu’un quart vient des entreprises utilisatrices, et seulement 10% des salariés eux-mêmes. Cependant, les initiatives ont tendance à se diversifier avec le temps, et les entreprises utilisatrices sont de plus en plus demandeuses de ce nouveau contrat. On devrait donc assister à un rééquilibrage progressif entre les agences d’emploi et les entreprises utilisatrices, et dans une moindre mesure, des salariés eux-mêmes.

Un contrat avantageux bien qu’encore récent

Des débuts prometteurs

Dans la globalité, les résultats du dispositif sont satisfaisants. En effet 77% des salariés en CDII sont satisfaits de leur expérience. Pour 45% des sondés de l’étude, le CDII a été le premier CDI de leur parcours professionnel. 67% des ruptures de CDII sont suivies d’une embauche en CDI : 56% dans l’entreprise utilisatrice et 11% dans une autre entreprise. Enfin, 77% des personnes ayant signé un CDII se déclarent plutôt ou tout à fait satisfaites de leur expérience. Le dispositif répond donc bel et bien à une attente de la part des salariés.

Un contrat qui profite à tous

Pour le salarié intérimaire, il apporte une garantie de stabilité et de sécurité, et peut être un levier vers une embauche par l’entreprise utilisatrice. Le rapport établit que le contrat permet aux salariés de bénéficier d’une sécurité de rémunération et de développer leur qualification par la formation pendant les périodes d’intermission (séparant deux contrats de missions). Leurs principaux facteurs d’acceptation du CDII sont liés à des aspirations en termes de sécurité et de stabilité sur les plans professionnels et personnels : stabilité et sécurité de la rémunération, facilitation des projets personnels, valeur psychologique et sociale (ne plus avoir à rechercher des missions) ou encore ancienneté dans l’entreprise utilisatrice.

Pour les entreprises de travail temporaire, le CDII permet la fidélisation d’intérimaires fiables, employables. Pour l’entreprise utilisatrice, il permet de bénéficier des services d’un intérimaire sûr, compétent, sur une longue durée et sans délai de carence, y compris parfois en vue d’une embauche.

Les craintes liées au CDI intérimaire

Pourtant le déploiement du contrat a suscité de multiples réactions, positives comme négatives, au sein des acteurs concernés. Perçu comme un dispositif porteur de progrès et d’opportunités, il a aussi été décrit comme une prise de risque, voire un saut dans l’inconnu. Les principales raisons de cette méfiance résident dans son caractère récent, et du peu de recul dont bénéficient les acteurs.

La mise en application de ce nouveau contrat ne s’est pas faite sans appréhension. En effet, le risque qu’il fait peser sur l’agence d’emploi n’est pas négligeable, notamment en cas de difficulté à placer les intérimaires, mais également en termes de technicité du dispositif. La gestion de la paie, des congés, des arrêts de travail, et plus généralement la nouvelle gestion des ressources humaines (avec le suivi des parcours de formation et de développement des salariés), ont été source de craintes pour les différents acteurs du secteur.

Aussi, le déploiement du contrat a été marqué en pratique par des tâtonnements et des ajustements, de par sa nature récente. De plus, toutes les agences de travail temporaire n’ont pas encore le même niveau d’expérience du dispositif. C’est pourquoi on assiste à une montée en puissance du dispositif certes progressive, mais différenciée. On relève tout de même une accélération du déploiement des CDII depuis la loi Rebsamen.

Les motifs de refus du CDI intérimaires

Enfin, certaines caractéristiques du dispositif constituent des motifs de refus du CDII par les intérimaires. Ces refus sont surtout motivés par la perte de revenus qu’induit le CDII à situation d’emploi égale. En effet, les intérimaires ayant signé un CDII font majoritairement le constat d’une diminution globale de leur revenu (fin des indemnités de fin de mission de 10%). Mais le CDII a un effet positif sur la régularité de ce revenu pour deux tiers des répondants avec un CDII en cours. Les refus sont également liés à la perte de liberté qu’induit le contrat (du fait de l’obligation d’accepter les missions qui correspondent aux 3 emplois contractualisés dans le périmètre de mobilité défini), ou plus globalement au refus du lien de subordination avec l’agence.

ITTAKA